top of page

Brexit

Dernière mise à jour : 21 janv. 2021

La longue saga interminable du Brexit et les difficiles négociations entre l’UE et le Royaume-Uni


Le 31 janvier 2020, la Grande-Bretagne est devenue pleinement indépendante pour la première fois en presque un demi-siècle. Comment en est-on arrivé là ? Si l’histoire entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne a toujours été particulière, du véto de De Gaulle jusqu’au refus d’intégrer la zone euro en passant par le célèbre « I want my money back » de Margaret Thatcher, les opportunités commerciales offertes par le marché unique ont toujours incité les Britanniques à demeurer au sein de cet espace.


Mais dès 2014, le succès du UK Independence Party aux élections européennes confirme la montée de la pensée eurosceptique dans le pays. Les causes profondes de cette volonté d’indépendance sont multiples. Si la volonté de restaurer le contrôle des frontières est avancée comme la raison majeure, c’est surtout l’aspiration à la souveraineté nationale qui est au cœur du Brexit. En effet, les critiques se concentrent notamment sur les réglementations européennes imposées par Bruxelles et l’approfondissement politique de la construction européenne. Or, dès 1973, l’ambition britannique est claire : bénéficier d’une vaste zone de libre-échange pour les gains économiques importants et non pas d’une Union fédérale découlant de facto sur une perte de souveraineté nationale. De plus, l’élargissement aux pays d’Europe centrale et de l’est en 2004 a compliqué les choses, aboutissant à une remise en cause du principe européen de liberté de circulation des personnes chez une partie de la classe politique britannique.


Dans ce contexte d’assombrissement, la contribution au budget de l’Europe est de moins en moins bien perçue par une population qui voit moins les bénéfices engendrés que les coûts. Plus largement, ce vote semble également refléter un ras-le-bol plus global condamnant non pas seulement le pouvoir de Bruxelles mais aussi une forte hausse du nombre de travailleurs pauvres, une hausse du coût des frais médicaux due aux politiques d’austérité menées depuis 2008. Toutes ces frustrations finissent par aboutir à la victoire du Oui au référendum du Brexit en juin 2016, mettant le Royaume-Uni sur les rails d’une sortie de l’Union européenne.


Où en est le processus de sortie du Royaume-Uni de l’UE ?

Le Royaume-Uni est sorti de l’UE et de la Communauté Européenne de l’Énergie (Euratom) le 31 janvier 2020, après avoir négocié avec les institutions européennes pendant plusieurs années sur un accord de retrait. Si le Royaume-Uni n’est plus un état membre de l’UE et n’a donc plus son mot à dire dans les décisions de Bruxelles, le droit de l’Union Européenne continuera de s’y appliquer, et le pays a lui accès au marché intérieur et reste au sein de l’Union douanière jusqu’au 31 décembre 2020, en vertu des dispositions de cet accord de retrait. Concrètement, la vie des citoyens, consommateurs, entreprises, investisseurs ou étudiants britanniques n’est pas modifiée lors de cette période de transition. Par ailleurs, la Cour de Justice de l’Union Européenne reste habilitée à traiter les différends légaux entre les deux parties. Désormais l’Union Européenne et le Royaume-Uni négocient un accord déterminant leurs futures relations commerciales, économiques et politiques.


Il ne reste que trois mois avant la fin de la période de transition et la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union Européenne, prévue le 1er janvier 2021. Les deux parties entament la 8ème session de négociation fin septembre, potentiellement la dernière avant un accord, ou l’abandon des négociations. Un accord doit être trouvé au plus vite, étant donné que les institutions européennes auront besoin de 2 mois pour le ratifier, et ce avant la date butoir du 31 décembre donc. En dépit des pressions de l’opposition et des milieux d’affaires, Boris Johnson, qui dispose d’une majorité confortable à la chambre des communes, s’est refusé à demander un report. L’incertitude politique, économique et juridique qui découle de l’enlisement des négociations et d’un potentiel échec de ces dernières, pèse déjà négativement sur l’économie britannique. Par ailleurs, la perte, déjà actée, du passeport financier pour la City londonienne a déjà eu des conséquences bien réelles puisque les grandes banques d’investissement et compagnies financières ont anticipé en renforçant leur présence européenne : AIG déménage son siège européen au Luxembourg, Barclays et Bank of America consolident leurs effectifs dans leurs sièges dublinois et luxembourgeois et renforcent leur présence à Paris notamment.


Quels sont les objectifs des deux parties concernant l’accord sur les futures relations entre le Royaume-Uni et l’UE ?

L’Union Européenne souhaite avant tout garantir l’intégrité du marché unique européen et de la construction européenne. Elle est ainsi disposée à accorder au Royaume-Uni un accès sans tarifs douaniers ni quotas au marché unique seulement si celui-ci s’engage à respecter une grande partie des réglementations environnementales et sociales pour garantir une concurrence loyale sur les marchés européens. La déclaration sur les futures relations entre le Royaume-Uni et l’UE, signée par les deux parties en même temps que l’accord de retrait mais non juridiquement contraignante, reprend d’ailleurs cet objectif d’un accès britannique au marché européen en échange d’une transposition des réglementations européennes dans le droit britannique. Au-delà d’un seul accord de libre-échange, l’UE souhaite également parvenir un accord couvrant la totalité des aspects de la future relation avec le Royaume-Uni, avec à la fois la coopération sécuritaire, l’éducation, l’aviation ou encore le numérique.


Le Royaume-Uni, quant à lui, cherche avant tout à restaurer son indépendance économique et politique vis-à-vis de l’UE, en ayant la garantie que le gouvernement britannique puisse édicter lui-même ses propres règles et réglementations. L’objectif britannique est ainsi d’obtenir un accord commercial similaire aux « autres accords de libre-échange existant entre l’UE et d’autres nations souveraines » selon les termes du mandat de négociation britannique, pour éviter un trop grand assujettissement aux règles européennes. La volonté du gouvernement britannique de revenir sur nombre de réglementations environnementales et sociales européennes pour gagner en compétitivité est parfaitement assumée.


Quelles sont les difficultés et principaux points de blocage auxquels font face les négociateurs ?

Le très court délai imposé, seulement quelques mois, pour mener à bien ces négociations a représenté un défi majeur pour les négociateurs et ce d’autant plus que le potentiel accord sur les relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni couvre une très grande variété de domaines. Le refus de Boris Johnson de demander une prolongation de la période de transition pour permettre une durée de négociation plus longue empêche tout compromis sur la date limite mettant fin à la période de transition, le 31 décembre 2020. Par ailleurs, les deux parties doivent s’accorder sur un accord avant le Conseil européen de la mi-octobre pour permettre aux institutions européennes de ratifier l’accord avant la fin de l’année. Il ne reste donc que quelques semaines aux négociateurs pour parvenir à un compromis, rendant leurs chances d’obtenir un accord de plus en plus minces.


Pour ne rien faciliter, les points de blocage entre l’UE et le Royaume-Uni sont assez nombreux. Tout d’abord le récent revirement du gouvernement britannique annonçant son intention de revenir sur l’accord de retrait et notamment le Protocole d’Irlande du Nord a profondément miné la confiance entre les deux parties. Les députés britanniques de la Chambre des communes ont ainsi approuvé, mardi 29 septembre, le controversé projet de loi du gouvernement sur le marché intérieur, qui défait en partie l’accord de retrait. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a d’ailleurs annoncé le 1 er octobre que la Commission lançait une procédure d’infraction contre le Royaume-Uni puisque le gouvernement britannique n’a pas retiré son projet de loi revenant sur certaines dispositions de l’accord de retrait. Cette nouvelle dispute à quelques semaines seulement de la date limite complique encore plus la tâche des négociateurs, l’UE refusant toute avancée sur un accord de libre-échange si le Royaume-Uni ne tient pas ses engagements de l’accord de retrait.


Au-delà de cette dispute, la lenteur des négociations s’explique aussi par des divergences de vues de fond entre le Royaume-Uni et l’UE concernant de nombreux secteurs. C’est notamment le cas pour la pêche, où l’UE réclame un accès aux eaux territoriales britanniques pour les pêcheurs européens en échange d’un accès au marché européen pour les pêcheurs britanniques, ce à quoi le Royaume-Uni se refuse, faisant du sujet de la pêche un symbole politique de l’indépendance britannique. Le refus des négociateurs britanniques de s’engager à respecter en grande partie la régulation européenne pour prémunir les Européens de toute concurrence déloyale sur le marché unique est encore plus préoccupant pour le négociateur européen Michel Barnier, pour qui ce point empêche d’avancer réellement dans les négociations.


Si l’enlisement des négociations semble ainsi en partie due à la difficulté d’obtenir des compromis sur des sujets politiquement très symboliques pour les Brexiters, elle s’explique aussi par l’impossibilité pour les négociateurs d’utiliser les précédents accords de libreéchange conclus par l’UE comme des exemples sur lesquels fonder les futurs relations commerciales et économiques entre le Royaume-Uni et l’UE. En effet, avec le Canada, Singapour ou le Japon, la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’UE visait aussi à réaliser une convergence réglementaire entre ces pays et l’UE pour faciliter le commerce. C’est tout l’inverse avec le Royaume-Uni qui cherche à diverger des réglementations européennes, compliquant ainsi fortement les négociations.


Quelle est la probabilité d’un « No Deal » et quelles en seraient les conséquences ?

Le risque de « No Deal » entre le Royaume-Uni et l’UE croit de même que croissent les tensions entre Londres et Bruxelles. Le vote du projet de loi permettant à Boris Johnson de modifier en partie l’accord qu’il avait lui-même signé huit mois plus tôt a également fait grandir ce risque d’un No Deal au 1 er janvier 2021. Les risques économiques sont majeurs pour le Royaume-Uni comme pour l’UE.


Financièrement parlant, un des risques majeurs pour les britanniques est la fuite des capitaux et des entreprises financières. Le cabinet d’audit financier EY a publié un rapport jeudi 1 er octobre présentant les transferts de personnel et d’actifs du Royaume-Uni vers l’UE. 7 500 employés du secteur financier du Royaume-Uni ont été transférés vers l’Union Européenne et l’équivalent de 1 200 milliards de livres d’actifs. Depuis le vote du Brexit en 2016, beaucoup d’entreprises financières ont envisagé de réduire leur présence au Royaume-Uni et de transférer leurs compétences dans l’Union Européenne. Le mouvement semble s’accélérer dans les dernières semaines du fait de la crispation des relations entre Bruxelles et Londres et du risque accru de « No Deal ». De nombreuses institutions financières prestigieuses (JP Morgan Chase, Goldman Sachs) ont transféré du personnel et des actifs en UE, principalement à Dublin, à Luxembourg, à Paris ou à Francfort.


En cas de « No Deal » au 31 décembre 2020, les relations commerciales entre l’UE et le Royaume-Uni ne seraient régies par plus aucune règle économique européenne mais par les seules règles de l’OMC, avec des droits de douanes élevés. Les pays membres de l’OMC doivent aussi appliquer la clause de la nation la plus favorisée, permettant à un pays de bénéficier des mêmes avantages commerciaux que tout autre pays, sauf si un accord de libreéchange permet un traitement spécial. Avec un No Deal, il n’y aurait donc plus de « traitement spécial » entre le Royaume-Uni et l’UE (marché unique). Hors du marché unique et sans aucun traité de libre-échange, le Royaume-Uni et l’UE ne pourront plus avoir des tarifs douaniers préférentiels. Les pertes pour les deux économies seraient dramatiques. Rien que pour l’industrie automobile, on estime une chute des échanges de plus de 100 milliards d’euros sur cinq ans. Les échanges devraient aussi pâtir de la hausse des coûts bureaucratiques liés au rétablissement des contrôles douaniers. Le coût de cette bureaucratie est estimé à 16 milliards d’euros par an aux entreprises britanniques et européennes.


Le Royaume-Uni perdrait cette relation préférentielle avec l’UE mais aussi avec tous les autres pays avec lesquels l’UE a signé des accords commerciaux, comme le Canada ou le Mexique. Il s’agirait alors pour le Royaume-Uni de signer des accords bilatéraux avec ces pays. Cependant, le projet de loi polémique de Boris Johnson permettant de revenir en partie sur l’accord du Brexit constitue ouvertement une transgression de la loi internationale. Cela érode sérieusement la confiance que les autres pays ont avec le RU et limite la possibilité de signer des accords bilatéraux. En effet, peut-on signer un accord avec un pays qui revient unilatéralement sur une partie de l’accord ?


Un autre problème majeur serait le cas de la frontière irlandaise et le risque de retrouver une « hard border » entre l’Irlande et le Royaume-Uni. L’instabilité politique qu’engendrerait un retour de cette frontière irlandaise pourrait rapidement dégénérée, sans compter les conséquences économiques évidentes pour les deux pays. Ce retour affecterait aussi les négociations bilatérales du Royaume-Uni. En effet, l’accord de libre-échange tant attendu entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis, déjà mal en point depuis l’été, bute également sur cette question irlandaise, les Etats-Unis refusant de signer un accord si cette question n’était pas réglée, en tant que garants de l’Accord du Vendredi saint de 1998.

9 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Green Assets outperforming their vanilla counterparts

How green financial assets are surging in value at an unprecedented pace (and what the pandemic has to do with it) During the past 5 years green-energy companies’ shares have risen by 380%. Meanwhil

Risk Management for Green Investment

How finance can help impactful projects come to life The nascent trend among companies to develop new, pioneering, energy and resourceefficient products is met with a big hurdle : risk. The risk of em

bottom of page